Le 3 avril, les médias rapportent une information selon laquelle « un assaillant palestinien a été tué par deux civils israéliens armés au cours d’une tentative d’attaque au couteau près de Huwara, en Cisjordanie. » L’assaillant aurait tenté de poignarder un père et sa fille.
L’enquête menée par B’Tselem a établi qu’à 8.30 ce matin-là, Muhammad ’Abd al-Fatah – un Palestinien âgé de 23 ans originaire de Khirbeit Qeis (Salfit), marié et père d’une petite fille – a traversé la route pour s’arrêter près d’une benne à ordures, en face de la place du village voisin de Beita. Il commence à jeter des pierres sur les voitures immatriculées en Israël qui roulaient en direction de Huwara, en passant par Za’tarah et Tapuah Junction. ‘Abd al-Fatah a jeté des pierres sur deux voitures qui passaient et a atteint un troisième véhicule. Le conducteur, un Israélien du nom de Yehoshua Sherman, s’arrête. Deux tirs ont alors été entendus, apparemment venus de l’intérieur du véhicule. Le conducteur est alors sorti de sa voiture.
À ce moment-là, ‘Abd al-Fatah était accroupi au milieu des ordures. Sherman s’est approché et lui a de nouveau tiré dessus à plusieurs reprises. Un camion qui passait sur la route s’est arrêté et le conducteur en est sorti. Il a alors rejoint Sherman et les deux hommes ont recommencé à tirer sur ‘Abd al-Fatah qui gisait, blessé, sur le sol. Selon les médias, ‘Abd al-Fatah a succombé à ses blessures peu de temps après, à l’hôpital Beilinson en Israël.
Le déroulement des événements est clairement établi par un enregistrement vidéo partiel diffusé par les médias. On y voit la voiture de Sherman s’arrêter à côté d’Abd al-Fatah. Une quinzaine de secondes plus tard, on voit Sherman sortir de la voiture. Ensuite, un camion s’arrête à son tour. À ce moment-là, l’enregistrement s’interrompt. Quand les images reprennent, on voit Sherman et le chauffeur du camion tirer sur ‘Abd al-Fatah. Un jeune homme employé d’un magasin proche du lieu de l’incident a été touché à l’abdomen par les tirs. Il a été hospitalisé à l’hôpital Rafidiya de Naplouse jusqu’au 7 avril. Quelques minutes après que les deux colons ont ouvert le feu, des jeeps militaires israéliennes sont arrivées sur les lieux et les soldats ont fait usage de grenades assourdissantes pour disperser la foule.
Quelques soldats ont immédiatement investi les échoppes des environs pour vérifier leurs caméras de surveillance. Ils l’ont démontée dans l’un d’entre eux. Près de vingt minutes plus tard, les soldats sont retournés dans le magasin, ont réinstallé l’enregistreur et regardé l’enregistrement. Deux d’entre eux filmaient l’écran avec leurs téléphones portables. Ils ont alors effacé l’enregistrement avant de quitter définitivement les lieux.
L’enquête de B’Tselem a montré que, contrairement à ce que les médias ont raconté, le tir de Sherman sur ‘Abd al-Fatah n’était pas justifié, lui qui s’était déjà éloigné du véhicule et se tenait à genoux derrière la benne à ordures. Sans parler des suivants, encore moins explicables, tirés par Sherman et le chauffeur du camion alors qu’Abd al-Fatah gisait, blessé, au sol.
Les forces de sécurité israéliennes arrivées sur place ont ignoré ces faits. Les deux colons n’ont pas été interpellés, les Palestiniens ont été rapidement évacués des lieux et les soldats se sont rapidement occupés d’effacer les traces de l’incident pour s’assurer que la vérité ne serait jamais révélée et que les deux tireurs ne seraient ni accusés ni reconnus responsables de quoi que ce soit.
Leur identité est connue : si les autorités le voulaient, ils pourraient facilement être retrouvés, au moins pour être interrogés. Pourtant, au vu des agissements des soldats arrivés immédiatement sur place et au nom de la longue tradition politique d’Israël, les chances que ça arrive sont proches de zéro.
Traduction : EM pour l’AFPS